Une charte fondatrice
Nous, peuples des bocages du bassin-versant de l’Orne,
En vue de former des communautés bocagères en meilleure santé, plus heureuses et plus émancipées, au sein desquelles tou·tes les humains et non-humains auront en abondance une eau pure à boire, un air sain à respirer et une nourriture réellement saine à manger,
Déclarons ce qui suit :
1. ÊTRE BOCAGE, DEVENIR BOCAGE
Tous les bocages qui entourent et traversent nos lieux de vie (sur ce bassin-versant comme sur les autres) sont reconnus comme des modèle de subsistance et des entités paysagères à protéger, cultiver, transmettre et nourrir.
2. VERS UNE INSTITUTION BOCAGÈRE
Pour appuyer cette reconnaissance, nous proposons la création d’une Organisation des Bocages Unis (qu’on appellera aussi « OBU » – parce que ça pète) dont nous dessinons ici les premiers contours.
3. S’UNIR, S’ALLIER, SE MÊLER
Notre volonté commune est que cette organisation puisse être rejointe par des membres de tous les peuples des bocages du monde entier. De proche en proche, nous chercherons à nous allier. Et nous affinerons, chemin faisant, les contours de cette charte (toujours à réécrire) et les contours de l’OBU (toujours à affiner).
4. PREMIERS PRINCIPES
- Défendre et cultiver le respect envers tou·tes les êtres vivants : prendre soin à la fois des paysan·nes, des paysages et des pays.
- Reconnaître et chérir les symbioses nature-culture qui soutiennent nos existences ; reconnaître et chérir les aspects cycliques de la vie (saisons, déchets, etc.) et agir en conséquence.
- Accepter de vivre dans des paysages hétérogènes (en finir avec la dichotomie « ordonné/désordonné »).
- (Ré)inventer des modes de vie qui ne consomment pas plus que ce que nous offrent nos milieux de vie ; cultiver la responsabilité de nos impacts sur les sols et sur la planète (terre/Terre).
- Refuser toute division abusive des terres.
- Prôner des modes d’organisation qui favorisent le lien social et la convivialité.
- Assurer une ouverture de long terme aux autres territoires (même s’il y a parfois des gens moins cools que nous). Respecter les divers contextes sans se refermer. Fin des identités nationales.
5. THÉMATIQUES COMMUNES
Des enjeux sur lesquels travailler, enquêter, se fédérer, transmettre
Réembocager la ferme, réensauvager le bocage
- Favoriser, notamment, la production locale, les petites exploitations en polyculture-élevage, les haies fruitières, et la mutualisation d’outils ;
- Prendre soin des arbres morts : surdensité, libre évolution, résurgences ;
- Assurer des continuités écologiques et bocagères.
Créer des résiliences alimentaires et énergétiques véritables
- Travailler à la création de mutuelles alimentaires locales et interlocales ;
- Créer un réseau opérationnel des acteurs et actrices de la subsistance ;
- Organiser une réduction des consommations énergétiques par la mise en commun et la production énergétique coopérative ;
- Travailler à la création de nouvelles solidarités de mobilité ;
- Installer des infrastructures de sobriété numérique low-techs dans les bocages ;
- Améliorer la gestion des eaux grises, prendre soin de l’eau potable.
Mettre en place des modes de gouvernance socialement et écologiquement justes
- Travailler à la création de mode d’organisation politiques et juridiques, en accord avec la présente charte : explorer notamment la piste des assemblées habitantes et des décisions collectives locales ;
- Assurer un accueil aux gens de passage ;
- Favoriser les échanges et l’économie du don à une échelle locale et interlocale ;
- Favoriser et assurer les droits d’usage et les communs.
6. DE QUELQUES DÉCISIONS POUR DES MONDES BOCAGERS PLUS JUSTES
- Interdiction de raser les haies et les forêts
- Interdiction des intrants chimiques et des mégabassines
- Interdiction de détruire les chemins creux
- Mise en place de refuges de bocage (sur le modèle des refuges de montagne)
- Mise en place de corridors biologiques inter-bocages
7. ASPECTS CULTURELS DE L’OBU
L’Organisation des Bocages Unis a également pour objectif primordial de cultiver, transmettre et nourrir les cultures bocagères. Voici quelques premières propositions en ce sens :
- Mise en place d’un service bocager obligatoire (éducation à la subtilité)
- Que l’école se déroule au maximum en extérieur et qu’elle se calque dès que possible sur les saisons
- Que les enfants – et les adultes volontaires – aient un·e correspondant·e dans un autre bocage (échanges épistolaires bocagers)
- Création du festival itinérant « Bocagia Granitix » (faire la fête en plantant des haies)
- Invention d’un jeu de pétanque granite coopératif
- Création d’un « Sentier des bocages » (méga-rando de tous les bocages)
- Élaboration d’une carte interactive présentant les spécificités de tous les bocages
- Mise en place de cimetières d’arbres mortuaires dans le bocage
- Création d’un réseau de bocadours et bocadouresses (bardes et colporteu·ses du bocage)
Enfin, dans une volonté de faire vivre une mémoire orale des bocages, nous proposons de transformer cette charte en une chanson lors d’un prochain atelier de travail.
Longue vie aux peuples des bocages, longue vie à l’OBU !
Adoptée en assemblée constituante par la République Autonome du Bocage le 24 janvier 2024.
Retranscrit par Clémence&Marin, animateurs de l’atelier sur l’OBU de la troisième édition des rencontres SF de la République Autonome du Bocage